« Regarde maman, un pirate ! »

De loin, c’est un commentaire plutôt juste si l’on se fie à mon cache-œil. Ce style si particulier ne me rend pas unique, j’en suis conscient, mais au moins je marque les esprits. Il faut dire que ce cache-œil est un bon compromis : avec un œil en moins je n’ai pas été gâté par mère nature, mais il faut savoir relativiser et cet accessoire fait presque partie intégrante de moi maintenant. Tout s’est agencé autour de ça quand j’ai grandi, le bandeau dans les cheveux, le collier large, l’attitude relax légèrement désinvolte, un charisme qui sort du lot quand il s’exprime… Bref, on me juge souvent de loin de par ma manière de m’habiller peu ordinaire. Il faut dire que d’un jour sur l’autre, ma tenue est plus ou moins recherchée en fonction de ma motivation matinale. Un jour c’est décontracté, un jour c’est marginal. Coup-ci coup-ça. C’est clair qu’un jour de concours, je vais être aussi psychomaniaque qu’une femme enceinte, je me connais. Et perfectionniste, par-dessus le marché, tout devra être parfait, jusqu’au dernier pli de ma chemise. Et c’est compréhensible, non ? Non ?.. Donnez-moi une fraise et continuez à lire.

Mais tout cela, c’est un choix. Alors qu’être roux, ça ne l’est pas. Ma mère a toujours vanté la beauté de mes cheveux roux et de mes yeux verts émeraude, mais quelle mère n’a pas fait cela pour son fils ? Après, je dois avouer que je les aime bien quand même, mes cheveux. Leur épaisseur me permet de créer des coupes extravagantes qui tiennent très bien. En taille, je suis plus grand que la plupart des autres gars, mais raisonnablement, je me fais encore dépasser. Et tant mieux. Tant que ma silhouette reste élancée, je ne m’en plaindrais pas. Bien que ces deux dernières années, je me suis mis à faire beaucoup plus de sport qu’avant, du coup j’ai des muscles qui apparaissent lentement mais surement un peu partout.

« S’adapter, toujours s’adapter… »

De part mon caractère assez ouvert, il m’est arrivé de trainer avec tout type de personne. Et j’ai bien compris qu’on ne pouvait pas se comporter de la même manière avec tout le monde. On peut se permettre d’être plus ou moins poli, de montrer plus ou moins d’affection, d’être plus ou moins bavard… C’est pourquoi je commence toujours par étudier à qui j’ai affaire, puis naturellement une de mes facettes se dévoilera d’elle-même. Disons que je peux être raffiné comme un peu brut selon le feeling que j’ai avec vous. Une jeune fille frêle au caractère timide, soyez sûr que je ne vais pas lui faire une accolade digne d’un vieux loup de mer, alors que ça ne me dérange pas d’être tactile avec d’autres inconnus.

D’un point de vue totalement différent, cette même adaptabilité est également à l’origine de ma débrouillardise. Peu importe l’environnement où l’on se retrouve, il faut savoir se débrouiller. Que ce soit dans une grande cité, au beau milieu d’une forêt ou en bord de mer, l’important c’est d’aller de l’avant. Et on ne procédera pas de la même manière ici ou là, et changer d’environnement n’est vraiment pas un problème pour moi. Vie de nomade oblige.

« …Mais rester fidèle à ses principes, sans jamais oublier d’où l’on vient… »

Il n’empêche que dans tous les cas, je reste une personne serviable. Que je vous balance une baie en invoquant vos réflexes, ou que je vous l’apporte calmement, dans le fond, l’intention est la même. Je suis aussi quelqu’un de très chaleureux vers les autres, j’aime semer du bonheur autour de moi dès que j’en ai l’occasion. Il faut dire qu’étant petit, j’étais très turbulent, à toujours vouloir tout faire pour aider tout le monde. En grandissant on se rend compte que ce n’est pas raisonnable, mais on ne lâche pas l’affaire pour autant croyez-moi.

Mes défauts aussi, restent les mêmes dans tous les cas. Je déteste être laissé pour compte ou blessé dans ma fierté. Car oui, je suis un poil orgueilleux et mauvais joueur. Mais surtout, je déteste qu’on dénigre les autres. Dire que par exemple, tel pokémon est trop pourri, ça m’agace. Et je le fais alors sentir avec une méprise dans la voix que je ne peux retenir, car je me bats toujours pour ce que je pense juste. Comptez aussi sur ma sale manie de tout catégoriser en jugeant trop rapidement, ça m’arrive régulièrement. Et quand quelque chose me tape sur les nerfs, au bout d’un moment, je préfère m’en éloigner le plus possible plutôt que de me prendre la tête. J’apprécie tellement peu les conflits qu’il m’arrive souvent d’en laisser certains inachevés. De les fuir, si vous préférez.

« Ca, c’est Félix. »

Au plus profond de moi, je dirai que ce qui fait beaucoup mon caractère aujourd’hui c’est ce qui m’est arrivé il y a deux ans. Depuis cet évènement, j’ai beaucoup changé. Déjà que j’étais reconnaissant – envers qui, je ne sais pas – d’être en vie même avec un œil en moins, je le suis encore plus aujourd’hui. C’est aussi depuis ce jour que j’ai décidé que je deviendrai assez fort pour me défendre moi-même, ainsi que les gens qui me sont chers. Et que j'ai du mal à m'attacher sérieusement à autrui. Ben oui, j'ai dit que j'étais un type fort sympathique, mais jamais il n'a été question de vous apprécier au long terme. Un cœur dur, mais transparent, comme la glace. Enfin, mon histoire vous permettra sûrement d’y voir plus clair.

« Un emmerdeur dès sa naissance »

Je ne sais pas de qui proviennent ces paroles, mais c'est pas tout à fait vrai. Pour ma défense, j'avais déjà deux ans et demi quand l'hôpital a annoncé à mes parents que l'infection qui a touché mon œil était tellement sévère qu'il allait falloir l'enlever. Dans le cas contraire, les complications auraient été beaucoup trop importantes. Certes, avant ça, mon œil m'a toujours posé des problèmes et n'a jamais vraiment fonctionné correctement. Il a donc sûrement dit ça parce qu'en fait, ma maladie, je l'ai effectivement depuis que je suis né. Bref, ce n'est pas si important que cela en fait, je ne me souviens de rien personnellement. Cela a plus traumatisé mes parents que moi, même si grandir avec un énorme pansement sur la droite du visage ce n'est pas super. Et ça pose des problèmes d'équilibre, et ça doit être lavé régulièrement, et patiti et patata. Aujourd'hui, ça n'a presque plus d'incidence sur ma vie. Je m'y suis fait, ça ne ressemble en rien à un énorme fardeau que je devrais trainer. Je ne suis pas aveugle non plus.

Ensuite, en tant que gamin, comme je l’ai déjà dit avant, j’étais plutôt turbulent et casse-cou. Le petit rigolo de la classe, vous voyez le genre ? J’ai toujours été proche de ma grande sœur et j’ai beaucoup chouiné quand elle est partie voyager pour devenir une grande coordinatrice. Depuis, je me suis mis à la regarder à la télé, et puis de fil en aiguille je fus épris d’une passion pour tout ce qui touchait de près ou de loin aux concours. Je me renseignai, je posais des questions, mais je me contentais d’admirer. Jamais je ne me serai senti capable d’arriver ne serait-ce qu’à la moitié des performances qui défilaient devant mes yeux. J’ai grandi dans cet esprit que les pokémon n’étaient pas fait pour moi et je me contentais d’admirer ma sœur et de m’amuser avec le Rosélia de maman.

« La catastrophe qui s’est déroulée il y a deux ans n’évoque de bons souvenirs chez personne. P’ti Filou et moi-même n’avons pas été épargnés »

Erf, faut vraiment raconter ça ? Je déteste exposer cette partie là. Donc je vais essayer de ne pas m’attarder sur les détails… Elora, ma grande sœur, était de passage à la maison. Elle voulait nous montrer ses quatre rubans et faire une pause avant de se présenter aux concours d’élite. On était tellement contents pour elle, que malgré l’ambiance assez négative qui planait sur la région ces derniers temps, on parvenait à se détendre. Continuer à suivre les informations aurait peut-être été plus judicieux, mais je suppose que ça n’aurait rien changé. J’étais en train de jouer avec les pokémons d’Elora quand c’est arrivé. C’est le genre de choses dont on ne veut pas se rappeler. Dans ma tête, ça ressemble à un ensemble de troubles créant un foutu bordel. Mon sang n’a fait qu’un tour, j’ai bondi pour me mettre debout tandis que les pokémons s’agitaient. J’ai entendu des bruits de tonnerre grondant, d’eau déchaînée, mais je ne saisissais pas ce qui se passait. Avant même que je ne puisse sortir, ma sœur est arrivée, ouvrant la porte d’un grand geste à la volée. Elle m’a souri, le soulagement était facile à déceler dans ses grands yeux verts, elle n’était pas arrivée trop tard. Et elle donna l’ordre à son Xatu. Il a refermé ses ailes devant moi, et ce fut la dernière fois que je vis ma sœur.

Xatu me sauva. Il m’a emmené chez mes grands parents, dans une ville non touchée par les différents cataclysmes. J’ai pleuré, je me suis effondré. Papa, maman, et Elora… Argh comme je me suis détesté d’avoir été le plus faible à ce moment-là. Si bien que je me suis beaucoup entrainé depuis, pour évacuer ma rage et ma frustration. Courir, boxer. Boxer, courir. Xatu me surveillait de loin, je suppose qu’Elora lui a demandé de veiller sur moi. Je ne parlais plus beaucoup, j’aidais mes grands parents tout aussi dépités que moi. Mais à trois nous nous sommes entraidés et reconstruits. Lentement, mais sûrement.

« Et puis un beau jour… »

Un beau jour, comme dit mamie – héhé je t’ai reconnue ! – j’ai trouvé une pokéball sur la table du salon. Grand-mère me l’a acheté pour que je puisse attraper mon premier pokémon. Comme ça, tu suivras les traces de ta sœur, m’a-t-elle dit. Et puis je me suis souvenu de la manière dont j’étais émerveillé devant les concours, j’ai réalisé à quel point cette idée était faite pour moi. Mais je ne voulais pas les abandonner, tous. Xatu autant que mes grands parents. Mais après mûre réflexion, je l'ai fait. Xatu m'a aidé, puis il est retourné chez mamie. Et moi je me mets en route.

« Nous avons confiance en toi. »

Astucieux - Agile - Coriace - Taquin - Têtu - Débrouillard