Personne en vue. Ni à droite, ni à gauche. Ah si ! Deux dames – des amies de ma mère, je crois – étaient là, assises sur un banc, en train de discuter. J'hésitais un peu, mon sac sur le dos. J'avais prétexté que j'allais escalader la colline, pour essayer de voir la mer. Ma mère n'avait rien dit, elle m'avait juste recommandée d'être prudente, après tout, je pouvais glisser. L'air de rien, je passais, en direction de la sortie. On ne m'aborda pas, on ne chercha même pas à me demander où j'allais. J'avais décidé de partir en pleine journée. C'était moins pénible, et surtout, il m'était plus facile de m'éclipser sachant que je passais habituellement mes journées dehors. La route 29, comme tous les autres jours, était calme. Mais rien n'aurait pu me calmer. Ni le doux parfum du bois, de l'herbe mouillée – il avait plu à peine deux heures plus tôt – ou encore des fleurs variées, ni la petite pokéball qui gigotait dans ma poche. Ce qu'elle faisait là ? A vrai dire, deux jours plus tôt, sous l'oranger du jardin – alors que je roupillais encore – j'avais croisé un petit pokémon, l'air complètement perdu. Je me suis mise à dessiner les nuages, comme d'habitude, et il m'a regardé. Quand j'ai arrêté, il m'a fixé, comme pour me dire de rouvrir le carnet, de ne pas m'arrêter. Finalement, j'avais été cherchée l'une des pokéballs qui étaient rangées dans le tiroir de la chambre de mon frère. Il n'avait pas bougé une seconde, en voyant l'objet rond, blanc et rouge. Il n'avait pas non plus protesté, lorsque j'ai appuyé la ball contre son front. Mes parents n'étaient pas au courant. Le soir même, je l'avais laissé sortir, dans ma chambre, et on avait fait connaissance. Il m'avait fallu une journée supplémentaire pour me décider à partir. Maintenant c'était chose faite. Le village s'effaçait derrière moi, tandis que je m'avançais de plus en plus sur la petite route. Bientôt, il n'y eut plus que le silence. Ce côté oppressant et inquiétant réveilla soudainement mon imagination. Si jamais je tombais sur un pokémon spectre, se cachant entre les branches, prêt à m'attaquer ? Et si un arbre s'écroulait ? Il se pouvait aussi que je ne sois pas seule, mais que je sois suivie. Bizarrement, toutes ces pensées ne firent que m'exciter davantage. La petite pokéball dans ma poche gigota plus fort, et cette fois-ci, je ne l'ignorai pas.
L'objet rond se retrouva dans ma main, avant que je la lance en l'air, d'un geste convaincu. Le bruit sonore de la pokéball qui s'ouvre retentit, et la forme d'abord lumineuse qui en sortit se précisa. Un petit pokémon plante, pas bien grand était face à moi, l'air ennuyé. Je m'accroupissais, pour être à sa hauteur. Ses petites feuilles sur sa tête caressèrent ma jambe, ce qui me fit sourire. Il y avait ce lien invisible qui nous unissait, mais qui était pourtant bien là. Ses petits yeux bleus me fixèrent, il – ou plutôt elle – voulait quelque chose.
« Qu'y a-t-il, Chlore ? »
Chlore. En vérité, il ne s'agissait là que d'un raccourci de son nom complet, à savoir Chlorobule. Le pokédex – que j'avais également piqué à mon frère, je l'avoue – m'avait appris peu de chose au sujet de la plante, si ce n'était qu'il vivait généralement dans des lieux sains. Elle eut beau s'agiter devant moi, je n'en compris pas en traître mot – et c'était bien normal, la seule chose qu'elle savait dire étant Chlorobule – et je dû me résigner à me relever et à reprendre la route. Chlore sembla soupirer – ou quelque chose qui y ressemblait – et grimpa – je ne sais comment – sur mon épaule. D'abord, je sursautais. Mine de rien, ce petit truc très fin était plus lourd que je ne pensais. J'attrapais le pokédex, et vérifiait son poids. Mmh. Pas bien grand, mais pas léger non plus. Je marchais quelques temps ainsi. Le temps sembla s'écouler différemment. Je m'émerveillais à chaque endroit. Les feuilles des arbres qui s'agitait de temps à autre, à cause du vent ou d'un pokémon, le ciel à demi-masqué par ces mêmes arbres, le sentier s'effaçant à mesure que j'avançais... A un moment, je pris un arbre dans la tête, ne regardant pas où j'allais. Je gémissait un peu, Chlore me tapotant l'épaule. Puis, je reprenais ma route. Tout était juste mieux que je ne le pensais. Jusqu'à ce que Chlore descende subitement de mon épaule, pour venir se placer devant moi. Intriguée, je la regardais. Elle était concentrée sur le buisson devant nous. A mon tour, je fixais le bosquet qui m'avait l'air normal. Il bougea. Je sursautais et tombais en arrière. Encore étonnée, il bougea à nouveau, de manière si rapide que je n'eus le temps de voir le pokémon qui en sortait. Un peu paniquée, je me relevais, prête à l'affronter.

Chlore lâcha un petit bruit que j'identifiais difficilement. Mais finalement, je vis le pokémon, juste en face d'elle. C'était un pokémon oiseau, pas bien grand lui non plus, qui avait l'air de se ficher complètement de m'avoir fait une belle frousse. Je sortis mon pokédex, et cherchait frénétiquement le nom de Roucool. Finalement, j'y parvins.

Bon. Mis à part le sable, il n'y avait aucune recommandation utile. Je me débrouillerais donc seule... avec l'aide de Chlore, bien sûr. Chlore qui me regarda, attendant patiemment que je prenne une décision. Finalement, j'optais pour une attaque Vol-vie, de front. Cela se révéla sans grande efficacité, et c'était bien normal. Roucool était un type vol. Chlore un type plante. J'aurais pu en avoir peur – j'aurais dû – mais je me doutais qu'il ne devait pas être bien fort, et pas être en mesure d'utiliser des attaques trop dures à encaisser pour l'instant. Forcément, il n'apprécia pas, et chargea. Un peu surprise, je n'eus pas le temps de demander à Chlore d'esquiver, et le petit pokémon valsa jusqu'à un arbre. Un peu énervée – c'est vrai, après tout, Chlore est mon premier pokémon ! – je demandais à Chlore de monter dans l'arbre, et d'exécuter son attaque Vol-vie cachée dans les arbres. A priori, cela fonctionna, puisqu'au départ, le Roucool ne savait où frapper. Cela marcha un peu moins bien quand Chlore lui tomba dessus, par inadvertance. Je grimaçais. Très vite, les deux pokémons s'étaient éloignés, et se regardaient désormais dans les yeux. Je constatais alors avec surprise que le Roucool semblait nettement plus affaibli que Chlore ne l'était. Ils devaient pourtant avoir subi à peu près les mêmes dégâts... Ah ! Vol-vie était – comme l'indiquait son nom – une attaque qui redonnait de la vie au pokémon ! Cela m'arrangeait bien. Je souriais. Prête à recommencer, j'ordonnais – à nouveau – Vol-vie. Le Roucool riposta avec un Jet de sable qui nous arrêta net. Ah le fourbe ! (Enfin je disais ça, mais Chlore était cachée dans les arbres deux minutes avant). Chlore se secoua, pour reprendre du poil de la bête et enlever le sable. Je poussais un cri de rage en tapant du pied (Le Roucool semblait vouloir partir). Je le pointais du doigt, alors qu'il me regardait, un peu surpris. Et finalement, Chlore utilisa Vol-vie à nouveau, alors qu'il ne s'y attendait pas. Cela suffit à l'achever. Je regardais le pokémon K.O. devant nous. Je souriais et me mettais à rigoler. Chlore me regarda, vraisemblablement désolée par mon attitude. Je repris ma route sans trop m'attarder, le pokémon plante sur mes talons. J'étais sur un petit nuage. Finalement, ça n'était pas si compliqué ! Je reconnais que j'avais peut être un petit peu – beaucoup – pataugé, mais j'avais tout de même réussi à m'en sortir. Tout comme bientôt, je découvrirais d'autres paysages que cette route...
Ou peut être pas. Je crois bien que l'on était complètement perdues. La nuit allait bientôt tomber, et j'avais les jambes en compote. Je désespérais de revoir un jour les sentiers clairs – et qui étaient bien tracés – des routes ordinaires, car de toute évidence, ça n'était pas une route ordinaire. Je soupirais. J'entendis un bruit dans les bruissons – j'étais plus attentive depuis l'incident avec le Roucool – et me retournais. C'était un garçon, plus jeune que moi, une casquette bien enfoncée sur la tête. En voyant la pokéball qu'il avait en main, je compris immédiatement qu'il s'agissait d'un dresseur. Un peu surpris, il nous regarda, moi et Chlore. On devait avoir l'air pitoyable – surtout moi – car il nous lança :
« Vous êtes perdues ? »
J'acquiesçais vivement, et il rigola un peu. Il me tendit une main pour me relever – que je pris sans hésiter – et enchaîna :
« Bon, je peux vous amener jusqu'à Ruines Griotte. Mais par contre, avant, je veux qu'on fasse un match ! Tu es partante ? »
Je réfléchis deux minutes. Je lançais un regard en biais à Chlore. Elle restait complètement neutre. Néanmoins, j'étais persuadée qu'il y avait cette envie brûlante en elle. Je hochais la tête, et, déterminais, j'affirmais :
« Ok ! Mais je te préviens ! C'est nous qui allons gagner ! »
Alors Chlore se plaça devant moi et il lança sa pokéball en l'air, avec un sourire sur les lèvres.

Je clignais des yeux, la lumière de la pokéball s'assombrissant peu à peu pour laisser place à une petite loutre avec un coquillage sur la poitrine. Je le trouvais mignon. Rapidement je sortis mon pokédex.

Pour une fois qu'il m'apprenait quelque chose d'utile, celui là. De type eau, donc... J'avais l'avantage du type, mais s'il paraît les assauts, cela risquait d'être compliqué. Malgré tout, immédiatement, j'ordonnais à Chlore son attaque Vol-vie. Évidemment, il s'était préparé à cette éventualité, et avait détaché le coquillage pour se protéger. Il me fallait donc trouver un moyen de passer outre ce coquillage. Ou alors de l'en éloigner. Pendant que je réfléchissais, il passa à l'attaque, et chargea. Chlore esquiva de justesse, comme j'étais un peu distraite. Puis, j'avais décidé. J'attendrais qu'il attaque. Lorsqu'il retenta son attaque Charge, je demandais à Chlore d'esquiver une nouvelle fois – elle réussit plus facilement qu'avec le Roucool. Peut être était-il moins rapide ? – et d'attaquer sur le côté pour le surprendre. Son dresseur eut beau lui dire d'esquiver, en pleine attaque Charge, c'était difficile. Je fanfaronnais, et aussitôt, Chlore valsa à l'autre bout du terrain. Bon, d'accord, concentration. La loutre semblait affaibli. Sa faiblesse, forcément, ça ne lui avait pas fait du bien. Je me fis à nouveau surprendre par l'attaque Charge, mais Chlore se releva. A la suivante, elle sauta en l'air, et relança son attaque Vol-vie. Moustillon tenta de la parer, mais il était complètement déséquilibré – il venait de se retourner en plein milieu d'une attaque – et tomba au sol comme j'aurais pu le faire. L'attaque Vol-vie fut la cerise sur le gâteau, et il s'écroula, K.O. Le dresseur soupira, tandis que je serrais Chlore contre moi.
« Je n'ai pas choisi le meilleur adversaire. Enfin, pas grave, bien joué ! »
Je lui adressais un sourire. Il rappela son pokémon, et je faillis en faire de même avec Chlore, mais elle était déjà sur mon épaule. Se prenait-elle pour un Férosinge ? Elle sembla bien se ficher de ce que je pouvais penser. Le dresseur m'invita à le suivre, et j'obéis. Il semblait bien connaître son chemin, car pas une seule fois il n'hésita sur la direction à prendre.
« Tu passes souvent par ici ?
-Oh, je vis à Mauville, mais j'essaye d'attraper des pokémons ici, de temps à autre, expliqua-t-il. Je passe souvent par Ruines Griotte. »
J'opinais de la tête, comme pour dire que je comprenais. Lorsque le chemin s'élargit, que les arbres s'écartèrent, je compris que l'on n'était plus très loin de Ruines Griotte. Il me pointa l'endroit devant moi, et me dit qu'il allait rester encore un peu sur la Route 29. Personnellement, j'allais continuer à avancer, au moins jusqu'à Mauville où je me reposerais peut être un ou deux jours. Je le remerciais, lui fit un signe de la main, et me précipitais vers la sortie. Tout ça commençait bien.